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Dessalement

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Le dessalement de l'eau (également appelé dessalage ou désalinisation) est un processus qui permet d'obtenir de l'eau douce (potable ou, plus rarement en raison du coût, utilisable pour l'irrigation) à partir d'une eau saumâtre ou salée (eau de mer notamment). En dépit du nom, il s'agit rarement de retirer les sels de l'eau, mais plutôt, à l'inverse, d'extraire de l'eau douce.

Très généralement, il est plus simple et plus économique de rechercher des sources d'eau douce à traiter (eaux de surface, telles que lac et rivière, ou eau souterraine), que de dessaler l'eau de mer. Cependant, dans de nombreuses régions du monde, les sources d'eau douce sont inexistantes ou deviennent insuffisantes au regard de la croissance démographique ou de la production industrielle.

D'autre part, il est souvent rentable de combiner la production d'eau douce avec une autre activité (notamment la production d'énergie, car la vapeur disponible à la sortie des turbines, et perdue dans une usine classique, est réutilisable dans une station de dessalement dite thermique ou fonctionnant sur le principe de l'évaporation).

L'eau de mer est salée à peu près à 35 g.l−1 en général. Dans des régions comme le Golfe Persique, la salinité atteint 42 g.l−1. Pour séparer le sel, il faut, d'un point de vue purement théorique et sans perte d'énergie (dessalement isentropique), environ 563 Wh.m−3.

Les systèmes de dessalement se caractérisent par leur rendement et le taux de sel résiduel.

Dans le monde, on produit chaque jour 95 millions de mètres cubes d’eau douce en 2018, rejetant 141,5 millions de m3 par jour de saumure, dont l'impact sur les mers inquiète l'ONU.

Différents systèmes de dessalement

Les systèmes utilisés sont :

  • Osmose inverse : cette technique « membranaire » repose sur une ultrafiltration sous pression au travers de membranes dont les pores sont des 'trous' si petits que même les sels sont retenus. Cette technique, en plein essor (coût énergétique moyen (≈ 4-5 kWh/m3)[1]) est un système éprouvé ayant montré sa fiabilité.
  • Distillation
    • La distillation à effet simple (DES) : La distillation est le plus vieux procédé de dessalement. Cette technique provient de l’antiquité, des marins grecs qui l’utilisaient déjà au IIIe siècle av. J.-C. à bord de leurs bateaux, et ce grâce au procédé décrit par Aristote. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparut le premier procédé industriel capable de distiller efficacement de grandes quantités d’eau de mer[2].
    • Dessalement:multi flash (MSF) : Ce procédé dit flash consiste à maintenir l’eau sous pression pendant toute la durée du chauffage. Lorsqu’elle atteint une température élevée, elle est introduite dans une enceinte (ou étage) où règne une pression réduite. Il en résulte une vaporisation instantanée par détente appelée flash. Le phénomène de flash est reproduit ensuite dans un deuxième étage où règne une pression encore plus réduite. La vaporisation de l’eau est ainsi réalisée par détentes successives dans une série d’étages où règnent des pressions de plus en plus réduites[2]. En effet, l'eau d’alimentation circule d'abord dans les tubes des condenseurs des différents étages en commençant d'abord par le dernier étage où la température est la plus faible, est alors préchauffée en récupérant la chaleur de condensation de la vapeur d'eau. Elle est finalement portée à une température maximale grâce à la vapeur produite par une chaudière ou d'une centrale de production d'électricité. Ainsi la MSF fonctionne selon le principe suivant : les tuyaux de condensation en serpentin passant par chaque compartiment ont deux fonctions, condenser la vapeur obtenue grâce à la différence de pression et préchauffer l'eau d’alimentation contenue dans ces tuyaux (grâce à cette même vapeur)[3] .
    • Distillation multi-effets : ce système fournit une eau très pure ; coût énergétique élevé (≈ 15 kWh/m3).
    • Flash multi-étages, ou système flash : il est utilisé dans les pays du Golfe, fournissant une eau dont le taux de sel résiduel est non négligeable ; coût énergétique élevé (≈ 10 kWh/m3).
    • Compression de vapeur : il fournit une eau pure ; coût énergétique variable en fonction de l'unité (entre 8 et 25 kWh/m3)[4].
    • Distillation par dépression : ce système est basé sur le fait que la température d'évaporation dépend de la pression. Il fournit une eau très pure ; coût énergétique faible (≈ 2 à 3 kWh/m3). Il est utilisé pour de petites unités.
    • Distillation par four solaire : le four solaire concentre en une zone restreinte les rayons du soleil, grâce à un miroir parabolique, pour porter à haute température l’élément qui contient l’eau destinée à être évaporée.
  • Électrodialyse : on applique un courant électrique qui fait migrer les ions vers les électrodes. Système très rentable pour les faibles concentrations, l'énergie à mettre en jeu dépend de la concentration en sel.
  • Condensation sur une surface ayant une température inférieure au point de rosée. Fournit une eau pure ; coût énergétique zéro avec un système passif[5] ou faible avec un système actif[6]. Il est utilisé pour de petites unités.

Une classe importante de centrales thermiques est associée aux installations de dessalement; Celles-ci se trouvent généralement dans les pays arides disposant d'une importante réserve de gaz naturel. Dans ces usines, la production d'eau douce et l'électricité sont des coproduits tout aussi importants.

Dans tous les cas, le dessalement produit une saumure dont il faut se débarrasser, ce qui n'est pas un problème en bord de mer là où le courant est important, mais peut l'être à l'intérieur des terres, et dans certains écosystèmes comme les lagons, baies, lagunes, mangroves.

  • Unités mobiles de désalinisation : La ville de Yokohama au Japon a présenté en juin 2009 un camion équipé d'un dispositif à membrane à osmose inverse, capable de dessaler de l'eau de mer ou de rendre potable de l'eau douce issue d'une rivière ou d'un lac. L'eau douce est épurée 15 fois plus vite qu'avec l'ozone, par des microbes (les mêmes que ceux qui produisent le nattô ; haricots fermentés très appréciés au Japon). Un traitement au chlore et à l'ozone conclut le processus. L'énergie nécessaire au dessalement est entièrement fournie par une petite éolienne et des panneaux solaires qui alimentent aussi des batteries permettant une autonomie de 24 heures. 3 litres d'eau de mer fournissent un litre potable. Le camion peut fournir de l'eau à 3 500 personnes par jour. La saumure peut être utilisée pour la thalassothérapie ou des usages alimentaires[7],[8].

Économie du dessalement

Dans le monde, on produit chaque jour par dessalement 95 millions de mètres cubes d’eau douce en 2018[9].

Le dessalement de l'eau de mer est un enjeu important pour l'avenir des régions arides. Moyennant un coût de production pouvant descendre à environ 0,5 dollar par mètre cube pour les projets récents (par osmose inverse et toutes charges comprises : coût d'exploitation, amortissement de l'installation, bénéfice de l'opérateur[1],[10]...), il est possible de résoudre les problèmes de manque d'eau potable dans de nombreux pays. Dans le cas d'une utilisation pour la consommation humaine, le dessalement d'eau de mer est une technique aujourd'hui fiable et moins onéreuse que la technique dite de recyclage des eaux usées. Il devient même rentable dans des pays développés ne manquant généralement pas d'eau, dans certaines situations spécifiques (par exemple des îles touristiques).

De ce fait, cette activité est en très forte croissance. La capacité installée chaque année augmente en moyenne de plus de 10 % par an. Les techniques dites thermiques (par évaporation) représentaient il y a encore quelques années la principale technique employée, mais l'osmose inverse, du fait d'une fiabilité accrue et de sa faible consommation électrique (4 à 5 kWh/m3), permet des coûts très bas, ce qui lui donne 84 % de la part de marché en 2019[9].

En 2015, il suffit de 2 kilowattheures pour fabriquer un mètre cube d'eau douce contre 12 kWh il y a quarante ans[11]. Selon Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez, « en quinze ans, le coût du dessalement a été divisé par dix et nous pouvons encore réduire la facture énergétique de cette technique »[12].

Des projets pharaoniques ont été proposés pour dessaler de l'eau, notamment avec des centrales nucléaires, pour faire de l'agriculture[réf. nécessaire]. Cependant, le dessalement pour l'agriculture vivrière n'est pas encore rentable[13], et de loin : le prix de l'eau utilisée excède de beaucoup la valeur des productions agricoles qu'elle rendrait possible. Par exemple la production d'une tonne de blé, valant environ 100 , nécessite environ 1 000 m2 de terrain arrosés par environ 500 mm de pluie, soit 500 m3 d'eau, dont le coût n'est pas moins de 250 dollars dans le meilleur des cas[réf. nécessaire] . Cependant certaines cultures à très haute valeur ajoutée peuvent supporter de tels coûts[13].

Une autre voie vers un dessalement moins coûteux consiste à dessaler de la glace de mer ; en effet, la salinité de la glace de mer est comprise entre 0,4 % et 0,8 %, bien en dessous de celle des eaux de mer, qui se situe entre 2,8 % et 3,1 % ; son dessalement demande beaucoup moins d'énergie. Une société chinoise, la Beijing Huahaideyuan Technology Co. Ltd., commencera bientôt la production d'une grande quantité d'eau douce par désalinisation de glace de mer, grâce à un accord de transfert de technologie signé avec l'Université de Beijing en janvier 2014 ; la société devrait être capable de produire au moins un milliard de mètres cubes d'eau douce par an d'ici 2023 ; le coût de la désalinisation devrait baisser à 4 yuans par tonne (0,48 €/tonne)[14].

Les inconvénients du dessalement

  • Coût énergétique élevé.
  • Augmentation de l'empreinte carbone lorsque l'énergie utilisée provient des combustibles fossiles ; pour y remédier, des projets pilotes de désalinisation à base d'énergies renouvelables sont menés par quatre groupes industriels, dont les français Veolia et Suez Environnement, dans la région d'Abu Dhabi, sous la houlette de l'Institut de la ville durable de Masdar ; l'émirat a un projet d'usine durable de dessalement de 150 000 m3/jour ; en Arabie saoudite, l'espagnol Abengoa va codévelopper une usine solaire de 60 000 m3/jour pour approvisionner la ville d'Al Khafji ; les deux pays comptent aussi sur le nucléaire[11].
  • Rejet des saumures concentrées au double de la salinité naturelle en mer ou injectées dans le sol ; ainsi, les rejets de « brine », effluents très chargés en sel, dans la mer d'Arabie ont fait exploser le taux de salinité de ses eaux ; dans certaines zones, les fonds marins sont devenus des déserts[11].
  • Rejet d'eaux chaudes en mer dans le cas de la distillation.
  • Emploi de produits chimiques pour nettoyer les membranes (chlore).
  • Traces de cuivre échappées des installations ; corrosion chimique des installations de tuyauteries.
  • Aucune législation spécifique concernant la potabilité de l’eau issue de ces traitements.
  • Le captage de l'eau en mer peut modifier les flux maritimes.
  • Risque de dégâts en fonds marins au niveau de la faune et de la flore.

Coût énergétique

Les sources non conventionnelles en eau que sont le dessalement et la réutilisation de l’eau, pour les pays qui ont des ressources en eau douce limitées, contribuent à réduire l’écart entre prélèvements d’eau douce et approvisionnement durable, mais dans l'approche « connexion eau-énergie » ils contribuent également à l’augmentation de la demande énergétique du secteur de l’eau. Bien que le dessalement et la réutilisation de l'eau atteignent moins de 1 % des besoins mondiaux en eau, ces processus représentent près du quart de la consommation totale d'énergie dans le secteur de l'eau. En 2040, les deux sources devraient représenter 4 % de l’approvisionnement en eau, mais 60 % de la consommation d’énergie du secteur de l’eau. La capacité de dessalement devrait augmenter de manière significative au Moyen-Orient, et en 2040, le dessalement devrait représenter plus de 10 % de la consommation finale totale d’énergie du Moyen-Orient[15].

Santé publique

Une étude israélienne a montré que les consommateurs d'eau dessalée « sont six fois plus exposés au risque de problèmes cardiaques, et notamment celui de mourir d’une attaque » que ceux ne consommant pas d'eau dessalée. La cause en serait que contrairement à celle venant des nappes phréatiques, l'eau dessalée est dépourvue de magnésium[16].

Coût environnemental

Le dessalement d'eau de mer produit 141,5 millions de m3 par jour de saumure. L'ONU a alerté l'opinion publique début 2019 sur ce problème, face au développement de plus en plus inquiétant des technologies de dessalement à gros volumes de rejets. Les rejets de saumure, souvent chargés en polluants toxiques, sont estimés à environ 141,5 Mm3/jour. Très dépendants de ce mode d’approvisionnement, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar produisent 32 % de l’eau dessalée totale grâce à leurs ressources en pétrole, mais aussi 55 % de la saumure[9]. Dans cette région sèche du globe, le dessalement de l'eau, prélevée massivement dans la mer, est effectué par chauffage, procédé qui produit quatre fois plus de saumure par m3 d'eau dessalée que les technologies plus avancées, comme la filtration par membrane, largement utilisée aux États-Unis. 80 % de ces rejets sont faits à moins de 10 km des côtes et s'accumulent dans les fonds, causant une salinisation accrue des eaux et des écosystèmes marins qui rend la vie difficile, sinon impossible, à leur flore et à leur faune[17]. Cette saumure, quand elle est rejetée en trop grande concentration dans des eaux littorales peu profondes ou à courantologie faible, peut provoquer des « zones mortes » éradiquant toute trace de vie, parfois sur des surfaces importantes[réf. nécessaire].

Diffusion

Beaucoup de régions et pays qui n'ont pas ou peu de ressources en eau douce et qui sont situés dans les zones côtières dépendent totalement ou partiellement de ces technologies pour leur eau potable.

La production des 15 900 usines de dessalinisation opérationnelles en 2018 s’élèverait à 95 Mm3 (millions de mètres cubes) d'eau douce par jour, dans 177 pays différents ; 62,3 % de cette eau serait destinée à l'usage humain, 30,2 % à l'industrie, et le reste à l'agriculture et à l'énergie[9],[18].